Les cinémas se déconfinent : "Près de 40 films par semaine"

Actualité

Mise à jour le 12/05/2021

Samuel et Louis Merle, à la tête des cinémas indépendants Multiciné
Jauges limitées, protocoles sanitaires de rigueur, programmation, on fait le point sur la réouverture des salles de cinéma le 19 mai avec Louis Merle, directeur général des cinémas indépendants Multiciné.
Les salles obscures vont (enfin!) retrouver de leur éclat, après 10 mois de fermeture cumulée. A l'affiche, une multitude de films en attente d'être programmés, 400 œuvres s'étant accumulées pendant la pandémie. "Cela risque d'être compliqué pour certains films déjà fragiles de trouver leur public ou d'être distribués. Mais il va y avoir énormément de nouveaux films chaque semaine, un paradis pour les cinéphiles !" Louis Merle (à droite sur la photo), directeur général chez Multiciné, gère avec son frère Samuel (à gauche) et son père trois salles de cinéma Art et Essai à Paris, le Lincoln, les 7 Parnassiens et le 5 Caumartin. Egalement membre du conseil d'administration et trésorier de l'association des Cinémas Indépendants Parisiens (CIP), il reste optimiste: "J'ai bon espoir pour la suite. Et puis, nous avons la chance d'avoir une clientèle d'habitué·e·s!"

Quelles sont les mesures sanitaires imposées et mises en place pour cette réouverture?

À partir du 19 mai, nous pourrons recevoir 35 % de spectateur·ice·s par rapport à la totalité de notre capacité d'accueil, soit un siège sur 3. C'est un peu la cata pour les petites salles comme nous qui vont devoir refuser du public. Nous allons inciter les gens à réserver, mais ça ne sera pas une obligation car pas mal de spectateur·ice·s viennent sur un coup de tête. Le 9 juin, on passe à 65 % de notre capacité d'accueil et le 1er juillet si tout va bien, retour à la normale avec une jauge à 100 %. Une distance de sécurité de 1m50 entre chaque personne sera de rigueur et le masque obligatoire en salle et dans les locaux. Nous avons aussi "profité" de la fermeture pour engager des travaux de rénovation. Les sanitaires et les deux salles du sous-sol ont entièrement été refait.
La vente de confiserie reste interdite. Pour nous qui avons un public plus ciblé Art et Essai, c'est ennuyeux mais pas catastrophique. Au Lincoln, la caisse donne directement sur la rue et au 7 Parnassien, où il y a un jardin, ce sera autorisé. Les gens pourront manger à l'extérieur, Au 5 Caumartin, la configuration ne s'y prête pas.
Les 7 Parnassiens

Près de 400 films sont en attente d'être exploités dans les salles, comment cela va-t-il s'organiser?

Il va falloir faire des choix ! La première semaine, nous allons reprogrammer un certain nombre d’œuvres que nous avions à l'affiche lors de la fermeture : Adieu les cons d'Albert Dupontel, ADN de Maïwenn ou Michel-Ange d'Andreï Kontchalovski. En temps normal il y a une quinzaine de nouveautés par semaine, là on passe à presque 40 films, et des très bons. Concernant le planning de sortie, on a de la visibilité au moins jusqu'à fin 2021. En fonction des sorties chaque semaine, on programme tel ou tel film, en accord avec les distributeur.ice.s, en fonction de ce qui se joue aux alentours.

Quand les jauges vont revenir à la normale, ça va être l'orgie du cinéma, c'est de la folie.

Louis Merle, Directeur général de Multiciné

Comment s'est passé la dernière réouverture en juin 2020 ? Quel a été l'accueil du public ?

Deux jours avant la réouverture l'année dernière, j’étais avec mon frère devant le 5 Caumartin. Une habituée est passée, nous l’avons fait rentrer puis nous sommes allés dans une salle. Elle était tellement heureuse qu’elle en a pleuré d’émotion ! Les spectateur.ice.s nous ont massivement témoigné leur bonheur de retrouver les salles obscures, c’était assez incroyable, ils applaudissaient même au début des films. Nous sommes assez confiants, on verra cet été, mais il est probable que le vrai redémarrage se fasse en septembre.
J'ai bon espoir car l'année dernière, quand nous avons rouvert de juin à octobre, ça s’est très bien passé. L'été a été calme, car après un confinement dur où les gens avaient été extrêmement contraints niveau sortie, tout le monde avait envie d’aller en terrasse ou de flâner en plein air. Et puis en septembre, c'est reparti de plus belle. On refusait beaucoup de monde. On a fait un très bel automne, dans la mesure du possible avec une jauge à 65 % et malgré la concurrence démentielle des multiplexes. Faute de blockbusters, ils programmaient les films français et d'auteurs qui constituent notre programmation. Au 5 Caumartin, il n’y a pas trop de cinémas à proximité immédiate, mais à Montparnasse où il y a 32 salles, quand UGC et Gaumont proposent les mêmes films que nous, c'est compliqué. Là, on espère que les blockbusters vont revenir rapidement !
Les 5  Caumartin

Êtes-vous inquiet pour l'avenir?

Nous sommes assez confiants car beaucoup de gens nous contactent via les réseaux sociaux pour s’assurer qu’on ouvre bien le 19 mai et s’enquérir de la programmation. La grande question que tout le monde me pose c'est : « Pas trop inquiets que le public se soit habitué à la Vidéo à la Demande (VOD) ? » À chaque évolution, la télé, les DVD, le magnétoscope, internet, le téléchargement, on a enterré le cinéma. Mais on a toujours rebondit et on s’est réinventé. 2019 a été notre meilleure année du cinéma en 50 ans.
Le cinéma, c'est une sortie entre ami·e·s ou en famille, on en profite pour aller au restau. C'est un endroit où on peut aussi venir seul·e, discuter avec l'équipe ou avec les autres spectateur·ice·s. À la maison, on est facilement parasité par l'extérieur, le téléphone. Ce n’est pas la même chose de voir un film sur un écran de cinéma et sur une télévision ou une tablette. Dans une salle, on est immergé·e dans le noir, enveloppé·e par le son, l'image est grande, les fauteuils sont confortables, c’est une expérience immersive, artistique !

Quels sont les événements à venir?

Nous allons continuer à organiser des événements tels que des avant-premières, festivals, débats, rencontres, mais adaptés aux mesures. J’aime faire venir des intervenant.e.s, c’est très important que chacun.e puisse avoir la parole dans la limite de la liberté d'expression et de la légalité.
Prochainement, nous allons présenter le festival du film libanais en octobre au Lincoln; au 5 Caumartin, un événement sur la plongée, un autre sur le cinéma russe, le festival du Brésil en octobre également,…Tous les 1er lundis du mois et quand la jauge repassera à 65%, on va reprendre notre festival de courts métrages "C'est pas la taille qui compte". En temps normal, il rassemble presque 400 personnes, ça cartonne! On a eu des lauréats qui l'année d'après, recevait un césar, c’est très gratifiant.

Vous gérez le 5 Caumartin, les 7 Parnassiens et Le Lincoln avec votre frère et votre père, pouvez-vous nous raconter la genèse de cette belle histoire de famille?

Mon arrière-grand-père, un immigré russe qui a fuit la révolution, était un passionné de cinéma. Dans les années 30, le 7e art était était en plein essor et il a ouvert un premier établissement. Ca a bien marché, il a trouvé d’autres locaux et ouvert plusieurs salles dans Paris. Au 5 Caumartin par exemple, c'était un garage.
Aujourd’hui, il en reste 3, le Lincoln, les 5 Caumartin et les 7 Parnassiens. Le cinéma, c’est souvent une histoire de famille et un métier de passion. L'Art et Essai surtout, ça ne rend pas milliardaire! J’ai eu une première carrière professionnelle dans un tout autre domaine mais ça manquait de sens. Il y a deux ans, sachant que mon père prenait sa retraite cette année, j’ai rejoint la famille. Mon frère Samuel gère la partie artistique, la programmation, et moi j'ai plus une expérience de gestionnaire. On se complète bien!
Le cinéma Les 7 Parnassiens

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