De Kaboul à Paris, Mortaza Rezaee, toujours un pied devant l’autre
Rencontre
Mise à jour le 20/12/2024
Sommaire
Comme 51 autres réfugiés, Mortaza Rezaee, originaire d’Afghanistan, a été parrainé par un citoyen lors d’une cérémonie à l’Hôtel de Ville, ce lundi 16 décembre. Nous l’avons rencontré afin d’évoquer son parcours hors du commun.
Lorsqu’on veut emboîter le pas de
Mortaza Rezaee, mieux vaut être correctement chaussé. « J’adore
marcher, surtout le soir. Cela me permet de réfléchir, de ressentir la
tranquillité et de rester en bonne santé. C’est pourquoi j’ai souvent mes
chaussures de randonnée aux pieds ! » lâche d’un grand sourire l’homme âgé de 37 ans,
qui a reçu un parrainage républicain à l’Hôtel de Ville (Paris Centre).
Depuis son enfance, sa vie est un mouvement perpétuel. Originaire de l’ethnie des Hazaras, historiquement persécutée en Afghanistan, il grandit avec sa famille à Téhéran (Iran) avant de revenir à Kaboul (Afghanistan), où il intègre l’université. Élève brillant, il décroche une bourse et s’envole en Chine afin d’y étudier pendant cinq ans. « En 2012, je reviens à Kaboul et je commence à travailler pour une entreprise chinoise. Mais comme j’étais jeune, diplômé et Hazara, je suis devenu la cible des talibans. J’ai dû quitter le pays. »
Son parrainage, un « moment très fort »
« C’était la première fois que j’entrais dans l’Hôtel de Ville. Cela fait quelque chose, cet endroit est magnifique. C’était une belle cérémonie et un moment très fort », explique Mortaza Rezaee. Comme lui, 51 autres personnes d’origine étrangère et réfugiées en France ont été parrainées par des citoyens engagés, aux côtés de neuf associations partenaires. L’occasion de rappeler la volonté de Paris de demeurer une terre d’asile, conformément à son histoire.
« Je pensais venir à Paris en tant que touriste, m’y voilà comme réfugié »
Son exil débute en Turquie et continue en Suède. Là-bas, pendant trois ans, il travaille pour l’intégration des nouveaux arrivants dans une petite municipalité. Mais sa demande d’asile est déboutée. Face au risque d’être renvoyé en Afghanistan, il tente sa chance en France, en 2018.
« Plus jeune, je pensais venir
à Paris en tant que touriste, m’y voilà comme réfugié. Mon
arrivée a été très compliquée : je ne connaissais personne et je ne parlais
pas la langue. Cela a été un choc pour moi alors que j’avais déjà vécu dans de
grandes villes, que je parle anglais, que je suis éduqué. Alors, imaginez pour
un jeune homme qui débarque depuis son petit village du bout du monde… J’ai
passé finalement plusieurs nuits dehors, porte de la Chapelle, puis j’ai fait
la rencontre de bénévoles de l’association Famille-France Humanité. »
Mis en relation avec l’association JRS Welcome, Mortaza est ensuite hébergé temporairement dans différentes familles, en alternance et pour une durée de six semaines à chaque fois. Les 20e, 7e et 13e arrondissements, la petite couronne, le jeune Afghan découvre Paris et ses environs et noue des liens forts avec ceux qui l’accueillent.
« À la BnF, tout le monde existe »
Mais pour lui, l’incertitude et l’angoisse persistent. L’asile lui ayant déjà été refusé en Suède, Mortaza patiente sept mois avant de savoir si son dossier sera étudié ou non. Et dix mois de plus pour être reçu par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). En parallèle, il découvre la BnF (13e) afin d’y apprendre le français, puis d’y suivre une formation intensive de développeur web en ligne.
La première fois que j’y suis rentré, je me suis dit que c’était la caverne d’Ali Baba tant il y avait de livres.
réfugié afghan, parrainé républicain
« C’est un endroit incroyable. La première fois que j’y suis rentré, je me suis dit que c’était la caverne d’Ali Baba tant il y avait de livres. Là-bas, tout le monde existe aux yeux du personnel. Je n’avais pas de papier, j’étais timide, je parlais peu le français, et pourtant, j’étais considéré, je ne me sentais pas comme un étranger », se souvient-il en arpentant l’esplanade de la bibliothèque.
Ce quartier, il le connaît et l’apprécie. Tout en portant son regard vers les bâtiments alentour, il s’interroge : pourquoi l’architecte a-t-il choisi cette forme ? Et pourquoi ces matériaux ? Quel message voulait-il faire passer ? « Je pose toujours beaucoup de questions à mes amis français car j’aime comprendre et découvrir la culture, le patrimoine. Je suis très sensible à l’architecture parisienne, aussi bien dans ce quartier épuré de la BnF que dans le Quartier latin (5e). Et en observant les façades, je pense à mon frère qui est architecte à Kaboul. J’espère vraiment qu’un jour il pourra venir ici… »
« Ici, je me suis fait des amis venus du monde entier »
C’est en pleine pandémie de coronavirus que Mortaza a appris qu’il pouvait rester en France grâce à l’obtention du statut de réfugié. Un grand soulagement qui impulse, comme toujours avec cet homme dynamique, un mouvement vers les autres : maîtrisant le français, il devient alors interprète auprès d’exilés et d’associations.
C’est une particularité de la République française : tout le monde peut avoir sa propre identité et on peut tous cohabiter.
réfugié afghan, parrainé républicain
« Je suis bavard, je rencontre facilement de nouvelles personnes, j’adore les écouter, discuter, échanger. Ici, je me suis fait des amis venus du monde entier. Les différences culturelles, c’est très enrichissant. C’est une particularité
de la République française : tout le monde peut avoir sa propre identité
et on peut tous cohabiter. Je viens d’un pays très fermé, où l’on tente
d’imposer de force une croyance. Ici, tout le
monde est libre. »
Si la roue a commencé à tourner, sa vie près de la Seine n’est pas (encore) un long fleuve tranquille. Malgré plusieurs entretiens pour un poste de data analyst, Mortaza, avec son parcours incroyable et sa maîtrise de six langues, continue de chercher un emploi et d’être hébergé chez des amis. « Avoir un contrat de travail me permettrait de trouver un logement bien plus facilement. J’aimerais aussi obtenir la nationalité française parce que, aujourd’hui, je me sens Français. J’adhère aux valeurs du pays, je parle français, mes amis sont français, je me suis marié et je serais bientôt papa d’une petite fille. »
Tout en portant son regard au loin, sur les quatre tours qui symbolisent la BnF, il ajoute : « La première étape, c’est de rêver. Car tout commence par un rêve. »
Votre avis nous intéresse !
Ces informations vous ont-elles été utiles ?
Attention : nous ne pouvons pas vous répondre par ce biais (n'incluez pas d'information personnelle).
Si vous avez une question, souhaitez un suivi ou avez besoin d'assistance : contactez la Ville ici.