Ô LÉONIE : quand des artistes contemporains investissent un immeuble d’habitation
Reportage
Mise à jour le 23/10/2024

Sommaire
Au 18, rue Léon Giraud (19e), 40 artistes utilisent des studios dans un immeuble en attente de rénovation. C’est grâce au projet Ô LÉONIE qu’ils ont pu y établir leurs ateliers et développer des liens avec les habitants. Nous sommes allés à leur rencontre.
À première vue, rien ne distingue le hall 1 des 22 halls qui composent les immeubles du site Ourcq-Léon Giraud (19e). Il fait quatre étages, ses couleurs ont été ternies par le temps et de jeunes garçons y discutent, debout, près de l’entrée. L’un d’entre eux nous renseigne : « Vous cherchez les artistes ? Ouais, c’est là ! » Puis ajoute, à destination de son ami : « Tu sais, il y a des ateliers ici. »
C’est toute la particularité de ce bâtiment : 40 artistes côtoient des habitants au sein de cet ensemble de logements sociaux gérés par Paris Habitat.
Une occupation temporaire au bénéfice du collectif
À l’origine de cette installation se trouve un appel à projet de la Ville de Paris pour occuper, jusqu’au 31 décembre 2025, 19 studios au sein d’un immeuble destiné à être transformé en foyer de jeunes travailleurs. D’ici le début des travaux, et alors que la majorité des locataires ont déjà été relogés, l’objectif est que cette occupation temporaire et transitoire profite à des artistes, mais également aux habitants du quartier. Anouck Lemarquis et Anaïs Leroy, déjà à l’origine du projet Otoloto, s’associent alors avec Aurélie Faure pour répondre à l’appel à projets et le remportent : Ô LÉONIE voit le jour.
Les artistes ont pris possession de leurs ateliers début juillet. Ce mardi après-midi d’octobre, Anouck Lemarquis et Anaïs Leroy reviennent sur les premiers mois d’un projet pas comme les autres : « On accueille désormais 40 artistes, qui se partagent les studios. Une dizaine d’appartements sont encore occupés par des habitants, donc il a fallu sélectionner des pratiques artistiques qui ne sont pas trop bruyantes ou qui ne nécessitent pas de porter de lourdes charges, puisqu’il n’y a pas d’ascenseur ici. »
Margot Bernard occupe l'atelier Ô24 en compagnie d'audrey liebot, créatrice de la broderie en arrière-plan.
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Ludivine Boizard / Ville de Paris
Anouck lemarquis et Anaïs Leroy, à l'origine du projet Ô Léonie avec Aurélie Faure.
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L'artiste Rozenn Veauvy dans l'atelier Ô16 qu'elle occupe au premier étage avec Caroline Reveillaud.
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Établir un lien avec les habitants
La pratique artistique de Rozenn Veauvy n’est pas bruyante : c’est plutôt elle qui s’empare du bruit, et plus particulièrement des paroles. Aux murs de son atelier se trouvent des morceaux de tissu sur lesquels sont retranscrites des conversations entendues : chacune raconte sa propre histoire, tantôt insolite, tantôt tragique.
C’est l’un des projets menés par la jeune femme, précédemment installée dans un atelier à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « Nous étions beaucoup plus nombreux, environ 200. Ici, il y a un côté plus intimiste. Et j’aime l’idée d’échanger avec les habitants : j’ai un projet de gazette pour leur donner la parole ! »
Je suis sortie des Beaux-Arts en juin dernier. Installer mon atelier dans un cadre comme celui-ci, idéal pour imaginer et créer, j’en reviens à peine !
Artiste dans l'édition et la création sonore
Anaïs Leroy, l’une des trois porteuses de projet, ajoute : « Il y a eu toute une phase d’échanges avec les habitants pour leur présenter le projet et pour se rencontrer. Cela a commencé via des moments conviviaux autour de la nourriture et de la musique, et ça va continuer l’an prochain à travers une action plus culturelle, avec de la cocréation artistique et des ateliers. Les gens sont contents qu’il y ait de la vie dans cet immeuble plutôt que des logements vides ! »
Des affiches dans le couloir indiquent l’emplacement des artistes présents dans le projet Ô Léônie. (identité visuelle : H. Alix Sanyas ; typographies : Emomania par Ayasha Khan, Homoneta par Bye Bye Binary)
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L'espace BOOK Ô19 repose sur la mise à disposition d'un fond documentaire intitulé Les fausse gardes.
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BOOK Ô19 est un espace collectif : on trouve notamment une trace d'une première playlist collective composée par les artistes et le public le soir de l'ouverture d'Ô Léonie, à l'initiative d'audrey liebot.
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L'espace BOOK Ô19 du projet permet à chacun de venir se documenter.
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Accompagner les artistes
Pour les artistes, ce type de lieu est rare. Ici, les ateliers sont loués à bas prix (10 €/m2),
on bénéficie d’espaces collectifs pour faire de l’impression, de la création sonore, pour cuisiner et se cultiver (un fonds documentaire a été créé grâce à la mise en commun de livres). « C’est
également un projet professionnalisant. On se sent accompagné et on peut échanger sur des problématiques très concrètes du milieu artistique
comme les conditions de travail », ajoute Pia-Mélissa Laroche, qui se consacre ici aux arts visuels.
Ô Léônie offre aux artistes un temps de recherche et non de production marchande. Ce qui est de plus en plus difficile à trouver.
porteuse du projet
De son côté, l’artiste Roxane Mbanga a trouvé ici un espace pour se réinventer. Elle a déjà exposé son installation itinérante Noires, qui représente sa « maison de rêve imaginaire » à travers des objets, des vêtements, des images ou encore des sons installés dans une pièce, à Paris, à Amsterdam, à Londres et à Yaoundé. Et son nouvel atelier dans cet immeuble du 19e arrondissement s’est coloré des reliques de chaque installation.
Les dessins de Roxane Mbanga sur les murs de son atelier
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Roxane Mbanga s'est emparée de son atelier Ô30 et vient occuper tout l'espace à partir d'éléments de ces installations.
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Au printemps, l’artiste Roxane Mbanga avait exposé à Paris, à la Fondation H (Paris Centre).
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« Mon art s’adapte à l’espace », explique Roxane Mbanga.
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« Cela m’aide beaucoup d’être ici, car je travaille entourée de mes œuvres. Je suis en pleine réflexion pour transformer mon art en quelque chose de plus transportable. Mon travail est très social et l’idée d’échanger avec les habitants, c’est dans la continuité de ce que j’ai déjà fait, mais à une échelle différente : celle d’un quartier. »
En attendant de se transformer via la réhabilitation de ses immeubles, le quartier Ourcq-Léon Giraud peut compter sur la présence de ces 40 artistes pour vivre une expérience inédite. « On espère que ce projet en inspirera d’autres. Car tout le monde est gagnant : on prend soin des appartements qui ne peuvent plus être habités, on soutient des artistes et on démocratise l’art contemporain auprès des habitants ! », concluent les porteuses du projet Ô LÉONIE.
Les murs de l’atelier Ô25 de Pia Melissa Roche sont parsemés d’images d’inspirations.
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L’espace de travail de Pia-Mélissa Laroche
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Des phrases entendues et imprimées sur du tissu léger ornent les murs de l’atelier de Rozenn Veauvy.
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La cuisine de l’atelier Ô25 de Pia Melissa Roche et Romy Alizée avec au mur des photographies de Romy Alizée exposées lors de la journée d’ouverture d’Ô Léonie.
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Ce studio, comme les 19 autres, sera utilisé jusqu’au début des travaux de réhabilitation prévus en décembre 2025.
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