Cabarets, bars, discothèques… Ces grands artistes y ont fait leurs débuts ! (2/2)

Le saviez-vous ?

Mise à jour le 04/04/2024

Les Frères Jacques, groupe vocal français. Juillet 1950
Barbara, Kassav’, Johnny, Les Frères Jacques… Savez-vous où ils ont commencé ? Partez avec nous sur les traces de scènes parisiennes, aujourd’hui disparues ou transformées, mais où résonne encore leur écho…
Retrouvez Joséphine Baker, Juliette Gréco et Serge Gainsbourg dans notre premier épisode.

À L’Écluse, Monique Serf devient Barbara

Barbara (1930-1997), auteur-compositeur et chanteuse française, à l'Ecluse, accompagnée au piano par Liliane Benelli. Paris, vers 1958.
« Paris, 15 août, Paris, 15 août / Nous aurions pu l’avoir tout à nous »
Ah ! L’Écluse… Cet ancien bistrot de mariniers du 15, quai des Grands-Augustins (6e), devenu un écrin pour le spectacle vivant dans les années 1950 ! Il accueillait alors 80 curieux, serrés autour de petits guéridons, assis sur des banquettes en moleskine. La devise de l’établissement ? Chanson, théâtre et poésie, mais on y voyait aussi parfois du mime, de l’humour, des marionnettes…
L’Écluse et les autres établissements de sa catégorie avaient tout du conservatoire miniature : Guy Béart, Marie-Paule Belle, Juliette Gréco, Boby Lapointe, Anne Sylvestre, Jean Ferrat… Ces artistes entrés dans la légende y ont fait leurs premiers pas. Mais celle qui demeure indissociable de L’Écluse, c’est Barbara. Avant d’écrire et de composer ses chansons, la dame en noir y entonnait des reprises de Jacques Brel ou de Georges Brassens.
Marc Chevalier, cofondateur du cabaret, raconte dans La Chanson de L’Écluse (éditions Le Bord de l’eau, 2024) qu’il a d’abord refusé de l’engager. Celle qui s’appelle encore Monique Serf part alors à Bruxelles ouvrir sa propre adresse, Le Cheval blanc. Ce n’est qu’à son retour à Paris, en 1958, qu’elle trouve « son ton naturel » et fait sensation sur la petite scène de L’Écluse, passant de la première partie de soirée à « chanteuse de minuit » et vedette de l’établissement. Son premier 33-tours, enregistré en public et baptisé Barbara à L’Écluse, sort en 1959. Elle continue de s’y produire régulièrement jusqu’en 1964.
Neuf ans plus tard, quand L’Écluse rencontre des problèmes financiers, tous les anciens pensionnaires se mobilisent pour aider à son sauvetage. Un spectacle est même programmé le 7 novembre 1974 au Théâtre du Châtelet pour collecter des fonds. Hélas, une grève des machinistes compromet la soirée. Le cabaret ferme alors définitivement ses portes.

À La Dérobade, le zouk débarque avec Kassav’

« Zouk la sé sel médikaman nou ni »
Si le célèbre cinéma Le Louxor a fêté ses 100 ans en 2021, son histoire a été mouvementée. Entre 1986 et 1987, la salle au décor néo-égyptien du boulevard Magenta (10e) devient une boîte de nuit… spécialisée en musique antillaise !
Daniel Le Glaner, gérant du lieu, avait d’abord ouvert une discothèque à Massy (Essonne), située dans le même bâtiment qu’une radio antillaise : il les sponsorisait et, en retour, la station annonçait ses soirées. Quand il reprend un deuxième puis un troisième établissement, il décline la licence. Il signe un bail exclusif discothèque/salle de spectacle avec les propriétaires du Louxor, la famille Ouaki des magasins Tati, et pose ses valises à Barbès après avoir réalisé de gros travaux.
Ouverte tous les soirs et même le dimanche après-midi, La Dérobade proposait de temps en temps des concerts live. Kassav’ et sa chanteuse Jocelyne Béroard, qui ont déjà du succès – le groupe a rempli le Zénith en juin 1985 –, enflamment la piste de danse avec des tubes comme « Sé ou mwen inmé » ou « En mouvement ». Malgré la réussite du lieu, Daniel Le Glaner ne parvient pas à obtenir l’autorisation d’ouverture l’année suivante…
La Dérobade change de style de décor et devient une boîte de nuit gay très populaire, Megatown, en juin 1987. Quand celle-ci ferme en 1990, le bâtiment est laissé à l’abandon… jusqu’en 2010 : la Ville décide de le réhabiliter. Après des travaux pharaonesques, un palais du cinéma y est de retour en 2013.
Pour prolonger votre découverte, plongez dans la carte interactive, créée par le réseau des bibliothèques de la Ville, sur les traces des lieux musicaux disparus.

Au Golf-Drouot, Jean-Philippe Smet devient Johnny

Johnny Hallyday (1943-2017), chanteur français au Golf-Drouot, discothèque rock. Paris (9e arr.), 21 mars 1970. Photographie Serge Lansac. Fonds France-Soir. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
« Retiens la nuit / Pour nous deux, jusqu’à la fin du monde / Retiens la nuit / Pour nos cœurs dans sa course vagabonde »
En 1957, Henri Leproux, barman dans le salon de thé du 2, rue Drouot (9e), installe un juke-box au 1er étage. Il veut attirer un public jeune et passionné de rock, de blues ou de country… Il donne ainsi naissance sans le savoir au futur temple du rock parisien, le Golf-Drouot ! Pour l’anecdote, le lieu tient son nom d’un véritable mini-golf à neuf trous qui occupait une partie de l’étage.
Jusqu’en 1981, le Golf-Drouot accueille près de 6 000 groupes et artistes, souvent débutants, comme Eddy Mitchell, Sylvie Vartan, Les Chats sauvages ou Gene Vincent, l’interprète de « Be-Bop-A-Lula ». Dans les années 1970, on peut même y applaudir les Who, les Beatles, Pink Floyd ou David Bowie !
Mais c’est un jeune rocker prénommé Jean-Philippe qui, dès 1958, voit sa carrière décoller en se présentant au « tremplin du vendredi soir » du Golf-Drouot, l’un des radio-crochets les plus prisés de Paris. Il y interprète ses premiers titres comme « Souvenirs, souvenirs » et fait danser les jeunes filles et garçons de la génération yéyé, qui paient 1 franc l’entrée de la discothèque. Ils ne se doutaient pas qu’ils assistaient aux débuts de Johnny Hallyday, artiste qui vendra plus de 100 millions d’albums en cinquante ans de carrière !
Pour rendre hommage à ce lieu qui lui est cher, Johnny chantera le Golf-Drouot dans plusieurs de ses titres : « Oui mon cher » en 1961, « Mes seize ans » en 1983 et « Les Années mono » en 1984. Il y a aussi fêté ses 30 ans le 15 juin 1973.
L’arrivée massive des chaînes hi-fi puis l’interdiction d’avoir deux débits de boissons de quatrième catégorie dans le même immeuble sonnent le glas de l’établissement qui ferme ses portes le 22 novembre 1981. En 2014, une plaque commémorative est apposée au mur de l’immeuble.

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À La Rose rouge, André, Georges, François et Paul deviennent Les Frères Jacques

Les Frères Jacques, groupe vocal français : André Bellec, Georges Bellec, François Soubeyran et Paul Tourenne. Paris, Comédie des Champs-Elysées, février 1955.
« Dans les Halles de Paris / Coule le sang de la vie / Y a de tout à tous les prix / Pour palaces et bouis-bouis »
Rive gauche, 1947 : Jacques Prévert et ses amis du groupe Octobre, passionnés de théâtre « léger », imaginent, au comptoir du Flore, la création d’un cabaret-théâtre proposant des spectacles de chœurs parlés. Ils reprennent un restaurant africain installé au 53, rue de la Harpe (5e) et fondent La Rose rouge qui, après des débuts difficiles, devient l’un des établissements parisiens les plus renommés. Maria Casarès et Gérard Philipe s’y produisent et les Exercices de style de Raymond Queneau y sont adaptés pour la première fois en 1949.
En 1956, deuxième vie pour La Rose rouge, qui déménage dans une plus grande salle au sous-sol du 76, rue de Rennes (6e), et s’ouvre à d’autres répertoires. Les Frères Jacques s’y produisent régulièrement : moulés dans leur gilet de soie, gantés de blanc, coiffés d’un haut de forme et affichant de fausses moustaches, le quatuor vocal mixe brillamment chansons et mimes. On dit que des spectateurs venaient 25 fois voir le même numéro !
La Rose rouge disparaît en 1956. Le cinéma L’Arlequin, à la même adresse depuis 1934, s’agrandit et l’ancienne boîte de nuit devient un espace accueil/bar. En 2009, une plaque commémorant La Rose rouge y est inaugurée.
Ce cabaret a marqué son temps, au point qu’un film, La Rose rouge (Marcello Pagliero, 1951), lui est consacré. Le pitch ? Les Frères Jacques, qui doivent y chanter, se décommandent au dernier moment, ce qui oblige le personnel à improviser un spectacle !

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