L’Agence France-Presse (AFP) a ouvert le 12 septembre sa première galerie dédiée à la photographie, avec une exposition inédite consacrée à la libération de Paris, qui a fêté son 80e anniversaire cet été. Et on vous conseille vivement d’aller y faire un tour !
De quoi ça parle ?
La galerie de l’Agence France-Presse (AFP ; Paris Centre), nichée au sein de la célèbre agence de presse, souhaite présenter des expositions gratuites trois fois par an, avec pour ambition d’offrir au public des événements de qualité muséale. Les grandes signatures qui ont fait la réputation du service photo de l’AFP y seront mises à l’honneur au fil des installations. Et la plupart des œuvres seront proposées à la vente.
Avec « Paris 1944, une semaine en août », la galerie AFP propose un dialogue entre les clichés des professionnels de l’agence, issus de son fonds exceptionnel, et des images amateurs prises par des Parisiens lors de la libération de la capitale, issues de la collection Fournier-Eymard. Deux approches qui se conjuguent pour « archiver le réel » avec une valeur émotionnelle intense, « permettant au spectateur de s’approprier l’histoire », souligne l’historien de la photographie Gilles Mora, qui signe la préface du catalogue de l’exposition.
L’avis de la rédaction
Non, il ne s’agit pas d’une énième exposition sur la libération de Paris : c’est un moment clé de l’histoire, mais également de la sienne, que l’AFP nous invite ici à explorer à travers son incroyable fonds d’archives photographiques.
Retour en août 1944 : après avoir été réquisitionnée puis occupée par les Allemands pendant quatre ans pour servir la propagande du régime de Vichy, l’agence Havas récupère son indépendance et devient l’AFP, un organe de presse libre. Si la résistance s’opère dans les rangs des journalistes, elle se vit aussi sur le terrain…
Après la frustration, la libération photographique
Les correspondants de guerre et les photographes d’agence se sont engagés nombreux dans la documentation des derniers combats au cœur de la capitale, comme Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Lee Miller… Parmi eux, plusieurs ont travaillé avec l’AFP (l’ancienne agence Havas, mise sous tutelle allemande en 1940, est reprise par les insurgés le 20 août 1944 et rebaptisée Agence française de presse).
Parallèlement, des Parisiens sortent leurs appareils à soufflet, rangés dans les tiroirs depuis l’ordonnance allemande du 16 septembre 1940 interdisant de photographier en extérieur. Leurs clichés, souvent flous, pris de loin, pas toujours cadrés, témoignent de l’exaltation d’un moment qu’ils savent historique. Plusieurs centaines de ces clichés finiront dans la riche collection d’Alain Eymard et Laurent Fournier, deux érudits passionnés, incollables sur la division Leclerc et la libération de Paris.
Cette effervescence, Alain Eymard, historien érudit qui collabore au projet d’exposition, l’a observée de près. Passionné par l’histoire militaire de la France, c’est en menant des recherches sur la division Leclerc qu’il se plonge dans cet événement marquant, avec une méthode bien à lui, loin des outils modernes.
Devant l’une d’elles, Alain Eymard tique. Comment cette photo datée du 24 août peut-elle avoir été réalisée à cette date-là alors qu’il en est sûr : il pleuvait ce jour-là. Une certitude qu’il doit à sa méthodologie minutieuse, concentrée essentiellement dans un bottin où est collecté un tas d’informations précieuses qui lui permettent d’améliorer le niveau de précision et d’enrichir la légende de chaque cliché.
Deux regards qui viennent retranscrire une double émotion
En faisant dialoguer les archives professionnelles de l’AFP et les photographies d’amateurs, l’exposition ne se contente pas de présenter factuellement cet épisode majeur de la Seconde Guerre mondiale : elle le raconte avec émotion en mêlant l’histoire à la narration, à travers des séries de clichés qui viennent reconstituer des petites séquences de l’époque, comme un puzzle. C’est le cas de deux images qui se complètent, où l’on aperçoit d’abord au pied de l’Arc de Triomphe un groupe de quatre soldats allemands arrêtés, déchaussés et les mains en l’air, que l’on découvre quelques instants plus tard exécutés avenue Friedland (8e).
« En explorant notre fonds photographique, mais surtout celui d’images d’amateurs, on se rend compte que la libération de Paris, ce n’est pas seulement ces clichés de liesse, cette Parisienne qui embrasse son libérateur : c’est aussi de la dénonciation, du lynchage, des exécutions, un goût de revanche et un besoin de montrer l’ex-conquérant humilié à son tour », détaille Christophe Calais. Une plongée iconographique réaliste qui traduit, finalement, de façon plus fidèle, les dix jours d’insurrection qui ont permis à la capitale de se libérer du joug allemand.